André Laude

Publié le 15 Septembre 2012

 

Voici un texte  d'André Laude (1936-1995) écrit vers 1990, que je trouve d'une actualité brulante de vérité !


POÉSIE URGENTE

 

 

Plus que jamais la poésie est urgente. Vitale comme le pain et le vin. Nécessaire comme la pluie et le soleil, les néons et les nuits polaires.

 A l’heure où s’effondre définitivement le rêve révolutionnaire nourri d’octobre 17, à l’heure où l’abjecte massification, l’uniformisation dans le pire médiocre s’accélèrent, à l’heure où en dépit de certaines apparences, la « liberté » de l’individu - fondement incontournable de toute civilisation- rétrécit, à l’heure où les politiques s’épuisent, où les tyranneaux prolifèrent, où les nationalismes, les intégrismes se réveillent, où la pauvreté enflamme les têtes autant que les slogans stupides et simplistes, la poésie est, d’abord et avant tout, une « arme miraculeuse » (Aimé Césaire) pour la Résistance. Totale. Irrécupérable. Sur tous les fronts.

 Résistance contre ce qui endeuille l’être, souille, mutile, brise, l’élan de l’individu vers le « Champ des possibles », l’immense continent de la Vie encore inconnu, qui attend son Christophe Colomb. La poésie ne relève pas des dogmes établis. Elle est cet outil pour l’homme qui lui permet de prendre la mesure de sa non-finitude, de sa majesté et de son mystère émouvant et inépuisable. Elle est le vent qui le pousse dans le dos dans sa marche à l’étoile, l’éclair qui l’arrache à l’humus pour le projeter à hauteur d’astres de plomb et de feu.

 Langages, étranges copulations de mots, bouleversements de syntaxes, volontés de dialogue, énoncés du monde sensible, fouillements des ténèbres, cris d’amour, d’humour surtout « noir », enracinements dans l’errance, la glèbe ou la « big city », explosions de désespoir qui s’ouvre curieusement sur quelque innommable espérance, la poésie est aussi, dans sa plus haute condensation, germination, acte.

 Acte qui implique que tout poète authentique, fut-il élégiaque et soumis aux subtils secrets métaphysiques, est un réfractaire, un vrai outlaw, Hölderlin, Rimbaud, Maïakovski même combat ! Poètes Solitaires. Poètes Solidaires. Jusqu’au revolver, la jambe pourrie, la raison « saccagée ».

 La poésie est ce dont l’homme - même s’il l’ignore ou feint de l’ignorer - a le plus besoin pour tracer au flanc du monde la cicatrice de sa dignité. La poésie : un vertige permanent entre la lune et le gibet.

 Sans Poésie – libre, follement libre – l’univers serait boule morte. La poésie aux lèvres rouges : la potion magique pour guérir, peut-être, l’angoisse électrique de l’inconnu qui écrivit une certaine heure de fièvre sur les murs de Mai 1968 : « Y a t-il une vie avant la mort ? »

 

 

Et une pensée pour Angye Gaona

 

"Les questions retentissent,

claquements dans les tympans officiels.

S’éveillent les noms harcelés,

les écartelés sans sépulture,

occultés sous la fange impunie.

Les noms se raniment dans les voix ;

les murs des prisons peuvent s’effondrer,

les trônes peuvent être pris,

les frontières se diluent,

si on invoque ces noms.

Aucune arme, aucun affront, rien,

ne devra répliquer à ces noms calcinants."

 

Angye Gaona

Extrait du poème Le volcan parle

Traduction française de Pedro Vianna

 


Rédigé par hobo-lullaby

Publié dans #poèsie

Commenter cet article
C
<br /> Bonjour Serge,<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> J'arrive avec la potion magique...<br /> <br /> <br /> Je ne t'ai pas remercié hier pour les vers d'Aimé Césaire, j'étais un peu à plat alors je viens rattraper le coup !! Histoire de se faire plaisir !<br /> <br /> <br /> Les textes sont très beaux et forts, il y a tant de poésie à découvrir pour qui veut s'en donner la peine, ose franchir le pas de la porte des vers en liberté et se laisse bercer par le flonflon<br /> des rimes et des proses à profusion.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Le nombre<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ils disent des mots qui leur restent au coin des yeux;<br /> <br /> <br /> Ils suivent une route où les maisons sont fermées;<br /> <br /> <br /> Ils allument parfois une lampe dont la clarté les met en<br /> <br /> <br /> pleurs;<br /> <br /> <br /> Ils ne se sont jamais comptés, ils sont trop !<br /> <br /> <br /> Ils sont l'équivalent des livres dont la clé fut perdue.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ceux qu'il faut attacher sur terre<br /> <br /> <br /> Pour satisfaire la beauté,<br /> <br /> <br /> Familiers autant q'uinconnus,<br /> <br /> <br /> A l'image de la tempête,<br /> <br /> <br /> Qu'attendent-ils les uns des autres ?<br /> <br /> <br /> Un nuage soudain les chasse.<br /> <br /> <br /> Il suffit qu'ils aient existé<br /> <br /> <br /> Au même instant qu'une mouette.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> René Char ( la patience)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Ma phrase de la journée : Ils disent des mots qui leur restent aux coins des yeux, du René Char pur jus !!<br /> <br /> <br /> Bises et bon dimanche<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> caro<br />
Répondre
H
<br /> <br /> Bonjour Caro<br /> <br /> <br /> "Ce sont des mots que nous répétons en les sentant notres et ils volent.<br /> <br /> <br /> Ils sont plus de ce qu'ils nomment.<br /> <br /> <br /> Ils sont le plus nécéssaire, ce qui n'a pas de nom.<br /> <br /> <br /> Ce sont des cris au ciel, et sur terre ce sont des actes."<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Gabriel Celaya - La poèsie est une arme chargée de futur<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bonne fin de week end<br /> <br /> <br /> Prends soin de toi<br /> <br /> <br /> Bisous<br /> <br /> <br /> Serge<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Que dire après deux textes si beaux? On est pris par la magie..., <br />
Répondre
H
<br /> <br /> Bonjour Almanitoo<br /> <br /> <br /> Oui, on est pris par la magie et aussi par la force. Il y a des textes comme ça qui résonnent, qui font du bien. Je te glisse un lien vers le blog d'André Chenet ( Danger Poèsie ) ou tu pourras<br /> trouver plusieurs poèmes d'André Laude, avec en particulier un boulversant Et les flics tirèrent à boulets rouge sur le drapeau noir et de très émouvantes lettres-poèmes ( au Che, à<br /> fréderico Garcia ...)<br /> <br /> <br /> Bonne soirée<br /> <br /> <br /> Bisous<br /> <br /> <br /> Serge<br /> <br /> <br /> <br />