Kevin Barry a été pendu par l’occupant le 1er novembre 1920, à l’âge de 18 ans. Il était membre de l’IRA. Dans la biographie écrite par Seán Cronin, on peut lire quelques uns des écrits de
Kevin Barry, lycéen, qui montrent quelle pouvait être la pensée d’un jeune militant de l’IRA vers 1919.
Les essais scolaires de Kevin Barry révèlent bien quel type de personne il était. Elles montrent un jeune homme qui
méditait profondément sur de nombreux sujets : sur la politique, les gens, la vie elle-même.
Devant rédiger un essai sur le thème de la « Royauté », il écrivit : « Le dernier vestige de ce mal venu des temps où le
peuple, la vile populace, était vue comme du rebut, comme des animaux au service du puissant roi et de ses mignons. De cette époque où tout le monde croyait, ou était forcé de croire, au Droit
Divin des Rois » (…) « Nous vivons une époque qui voit le déclin de ce despotisme », poursuit l’essai. « Dans une époque où les gens reviennent à eux-mêmes, où le travailleur, épine dorsale de
toute nation, a la même voix et le même droit de vivre que les gentilshommes qui autrefois avaient un pouvoir presqu’absolu (…) La croyance au Droit Divin des Rois s’éloigne et meurt et les
trônes d’Europe sont en train de vaciller. Des idées qui auraient choqué nos ancêtres adorateurs de rois flottent aujourd’hui dans les airs. Liberté, Egalité, Fraternité, la devise de
la deuxième plus grande république du monde, deviendra bientôt le cri de guerre commun et nous espérons que notre petite île ne changera pas ses sentiments actuels en ce qui concerne la
royauté. »
Dans un essai appelé « Les préjugés », il
considère le problème sous trois angles : raciaux, religieux et personnels. Le jeune essayiste pensait que les préjugés raciaux étaient les pires de tous : « En général, ils cachent quelque
chose d’encore pire : l’oppression, ou tyrannie. Ils sont divisés en deux classes : ceux de l’homme blanc contre son frère de couleur, puisqu’il s’agit d’un frère, qu’il soit noir, rouge ou
jaune ; et ceux de l’homme blanc contre un autre homme blanc d’une autre nation. Les deux ensemble sont à l’origine de nombreuses guerres et massacres, parmi les pires de l’histoire du
monde.
Dans un essai sur le thème de « l’agitation ouvrière », le jeune Kevin Barry affirmait ce qui suit :
« Nous traversons aujourd’hui une crise qui n’a pas de précédents dans l’histoire du monde. C’est le point culminant de
quatre ans de disette, de privation et de mauvais gouvernement, la némésis qui attendait les profiteurs de guerre, les carriéristes et les capitalistes accapareurs. Il s’agit probablement du
début de la fin de l’aristocratie. Il est intéressant d’étudier ce grand soulèvement, ses causes, ses effets et ses possibles remèdes. C’est intéressant également parce que cela marque le
triomphe du Travail, du trade-unionisme et, comme le dit le torchon de Martin Murphy, du syndicalisme [révolutionnaire]. Lorsqu’on prend la mesure de l’immensité du trouble, le fait que dans la
seule ville de Belfast, 95.000 ouvriers sont en grève, le fait que toute la ville est paralysée et que tout le pays pourrait être paralysé en une heure si la décision était prise, on est frappé
de la force formidable de ce système et on peut comprendre la grande joie du mouvement ouvrier.
Les causes de la grève ne sont pas difficiles à découvrir. Dans neuf cas sur dix, on trouvera que leur cause, c’était la
faim. Celle-ci peut provenir de deux causes : de mauvais salaires ou un mauvais gouvernement. Dans les temps anciens, il s’agissait de cette dernière. La crise d’aujourd’hui est le produit de
la première. Il n’y a pas de remède face à une grève, à part accéder aux exigences des grévistes. Cela peut sembler étrange, mais c’est le bon sens qui l’impose, comme le prouvera un bref
examen des dernières grèves. Si les grévistes sont battus, ils retournent au travail renfrognés et pleins de rancœur, et il faut peu de temps avant qu’ils ne repassent à l’action. Mais la
procédure habituelle consiste à élire un arbitre pour arranger un compromis. Nous autres, à Dublin, avons fait l’expérience d’une grève qui a été considérée par le monde entier comme « la grève
modèle ».
Lorsque W.M. Murphy refusa de reconnaître le syndicat des conducteurs de tramway, ils se mirent en grève, rejoints en cela
par tous les syndicalistes de Dublin. Tout autour du monde, les socialistes apportèrent leur soutien, et le Hare, un bateau chergé de vivres, leur fut envoyé ; de même, de l’argent
leur fut envoyé de partout pour les aider à tenir bon. Ce qu’ils firent mordicus, jusqu’à leur victoire ou quasi-victoire, puisque le syndicat des tramways fut reconnu. Par conséquent,
nous eûmes une preuve éclatante du pouvoir du mouvement ouvrier et nous fîmes l’expérience du pouvoir d’un agitateur, dans la personne du merveilleux leader James Larkin et de son lieutenant
capable, le commandant James Connolly. »
Cette prose était assez osée pour le lycée du Belvedere. Le professeur d’anglais de Kevin n’a rien écrit sur la copie, mais
il n’a pas vraiment flatté l’essayiste, en ne lui donnant que 60/100. [11,5/20].
Source : http://liberationirlande.wordpress.com/
Une chanson très célèbre en Irlande rend hommage au martyr de Kevin.
En voici deux versions :
L'une traditionnelle par Irish Folk
KEVIN BARRY
A la prison de Mountjoy un lundi matin
Là-haut sur le gibet
Kevin Barry a donné sa jeune vie
A la liberté
Mais pour un gars de dix-huit étés
Personne ne peut le nier
Comme il marchait à la mort ce matin
Il gardait fièrement la tête haute
Juste avant qu'il ne rencontre le bourreau
Dans sa triste cellule
Les soldats britanniques ont torturé Barry
Car il ne donnait pas
Les noms de ses braves compagnons
Et d'autres choses qu'ils voulaient savoir
"Espionne pour nous ou nous te tuerons"
Kevin Barry répondit, "non"
Calmement au garde-à-vous
En donnant ses derniers adieux
A sa mère au coeur brisé
Et au chagrin immense
Pour la cause qu'il chérissait fièrement
Cette triste séparation doit être
Et il est allé à la mort en souriant doucement
Pour que la vieille Irlande puisse être libre
Un autre martyr pour la vieille Irlande
Un autre meurtre pour la couronne
Ses lois brutales peuvent tuer les Irlandais
Mais elles ne peuvent pas les asservir
Les gars comme Barry ne sont pas des couards
Ils ne s'enfuieront pas devant l'ennemi
Les gars comme Barry libèreront l'Irlande
En son nom ils vivront et mourront
Et la version de Paul Robeson