La femme qui casse des briques

Publié le 27 Octobre 2012




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La femme qui casse des briques 

 

La femme casse les briques assise sur un trottoir,

La femme au sari rouge casse les briques,

Sous le soleil brûlant,

La femme couleur de bronze casse les briques.

A vingt et un ans, elle en paraît plus de quarante,

Et sept enfants l’attendent là-bas, à la maison.

La femme casse les briques toute la journée,

En échange de quoi elle recevra dix takas, pas un de plus.

Dix takas ne suffisent pas à la nourrir, ni elle ni les sept autres.

Pourtant, jour après jour, la femme casse les briques.

L’homme assis près d’elle casse aussi les briques,

Abrité sous une ombrelle.

Il touche vingt takas par jour,

Vingt par jour parce que c’est un homme.

La femme a un rêve, elle rêve d’avoir une ombrelle.

Un autre de ses rêves serait, par un beau matin,

De devenir un homme.

Vingt pour les hommes, le double pour les hommes.

Elle attend que son rêve se réalise, mais rien ne la fait

Devenir un homme,

Rien ne lui fait avoir une ombrelle,

Pas même une ombrelle déglinguée.

On construit de nouvelles routes et d’immenses tours avec les

briques qu’elle a cassées, mais le toit de sa maison s’est envolé

 avec la tempête l’an dernier, depuis l’eau goutte à travers une tenture,

 elle meurt d’envoie d’acheter un toit en tôle.

Alors elle hurle dans tout le voisinage,

Les gens s’esclaffent, oh la la, disent qu’il lui faudrait

De l’huile pour les cheveux, de la poudre pour le visage.

Les sept enfants doivent être nourris,

La peau de la femme s’assombrit de jour en jour,

Ses doigts deviennent durs comme des briques,

La femme elle-même devient une brique.

Plus dur que les briques, le marteau peut casser une brique mais ne peut pas casser la femme.

Rien, ni la chaleur, ni le ventre vide, ni le regret de ne pas voir un toit en tôle,

Rien ne peut la briser.

 

 

Taslima Nasreen (poète du bengladesh, en exil depuis 1994) tiré de  Femmes, poèmes d’amour et de combat, 2003 

 

 

 

Rédigé par hobo-lullaby

Publié dans #poèsie

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L
Bonjour,<br /> je tiens à faire voir à caro que l'homme a une ombrelle tandis que la femme non, au vers 12 : "abrité sous une ombrelle"<br /> <br /> bonne journée
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H
bonne journée
L
<br /> un avenir sans avenir. Terrible !<br />
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H
<br /> <br /> Salut les Cafards<br /> <br /> <br /> Oui une vie triste et terrible ... et sans avenir. C'est pas les briques qu'il faudrait casser !<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> Serge<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> C'est dur comme de la brique cette poésie mais elle est essentielle et en un texte on en apprend tellement sur les conditions de vie de ces malheureux.<br /> <br /> <br /> La femme rêve d'une ombrelle et elle subit le même soleil que l'homme et fait le même travail pour gagner moins. C'est toujours la même histoire. Mais l'homme lui n' a pas d'ombrelle non plus et<br /> le soleil le cuit. Alors, pourquoi l'homme ne se bat-il pas pour l'ombrelle, la femme et les enfants qui sont sous le toit délabré qui fuit et qui ont le ventre creux ?<br /> <br /> <br /> C'est dur de se battre quand on a faim et les mains abîmées par les durs labeurs, alors l'exploitation de l'homme par l'homme peut continuer sans commune mesure jusqu'à  la fin des temps.<br /> <br /> <br /> Mais la poésie est là pour dénoncer et soutenir et ça c'est authentique.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> caro<br />
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H
<br /> <br /> Bonsoir Caro<br /> <br /> <br /> Une poèsie très dure en effet. Cette fatalité qui transforme cette femme en brique est très sombre, car il semble qu'aucun espoir autre qu'une ombrelle ne s'offre à elle. Ceux qui pétrifient<br /> cette femme, qui affament ses enfants semblent invisibles, intouchables ... Et pourtant .<br /> <br /> <br /> Bises<br /> <br /> <br /> Serge<br /> <br /> <br /> <br />