La main coupée
Publié le 8 Décembre 2012
LA MAIN COUPEE
Une main
une main toute seule
une main pour le pain
une main pour l’amour
une main pour le jour qui se lève
et pour l’oiseau qui chante
une main pour cueillir la noisette
et l’offrir à l’enfant
une main pour saisir solidement l’outil
et pour saisir le sein
et pour saisir la vie
une main pour le feu et l’eau et le soleil
une main et ses doigts où le sang coule rouge
au travers de la lampe
une main d’homme
avec tout ce miracle de gestes et de signes
qu’elle contenait pour toute une existence
une main
et ses ongles carrés comme l’était le front
et ses muscles ses veines
et son duvet soyeux pour la joue de la femme
sa force quand soudain elle devenait poing
et laissait éclater la colère de l’homme
une main rien qu’une main
vivante c’était hier
Aujourd’hui
ce n’est plus qu’un débris rejeté par le sable
une épave entre cent
ses os nus font plus mal à l’âme qu’un long cri
Tout autour de la main il y a la clairière
et ces hommes et ces femmes qui pleurent sans bouger
leurs mains à eux vivantes
autour de la clairière il est un paysage
et le monde s’étend tout autour de la main
le monde sans chaleur sans foi et sans amour
un monde où pousseront tout à l’heure de terre
des millions infinis d’autres mains d’autres morts
(Mauthausen)
Arthur Haulot
