SEULE LA VOIX DEMEURE

Publié le 28 Mai 2013

SEULE LA VOIX DEMEURE

Pourquoi je devrais m’arrêter, pourquoi ?
Les oiseaux ont filé vers les côtes bleues
L’horizon est vertical
L’horizon est vertical, et le mouvement une eau jaillie
Aux limites de la vision tournent les planètes lumineuses
La terre dans les hauteurs se répète
Les puits d’air se métamorphosent en tunnels communicants
Et le jour est une étendue qui dépasse les idées du ver à journal

Pourquoi je devrais m’arrêter ?
Le chemin traverse les vaisseaux de la vie
L’environnement au creux de l’utérus de la lune
Tuera les cellules contaminées
Et dans l’espace chimique de l’aube
Seule la voix demeure
Seule la voix attirera les particules du temps
Pourquoi je devrais m’arrêter ?

Qu’est-ce qu’un marécage
Sinon une frayère d’insectes corrompus
Des têtes gonflées des cadavres sortent les pensées de la morgue
Le lâche dissimule sa lâcheté dans le noir
Et quand c’est le cafard qui parle pourquoi je devrais m’arrêter ?
L’œuvre des lettres en plomb est vaine
Elle ne sauvera pas de la médiocrité
Je viens des arbres
Respirer l’air vicié me rend malade
L’oiseau qui mourait m’a laissé un conseil
Me souvenir de l’envol

Le but de toute force
Est de fusionner avec l’essence du soleil
De se couler dans l’intelligence de la lumière
Les moulins à vent se détraquent en toute logique
Pourquoi je devrais m’arrêter ?
Mes seins nourrissent les grappes vertes du blé
La voix, seule la voix demeure
La voix du désir limpide de l’eau à couler
La voix de l’étoile dans sa profusion lumineuse
Sur la paroi féminine de la terre
La voix concevant l’embryon du sens
Et l’expansion du partage de l’amour
La voix, la voix, seule la voix demeure

Au pays des nains
La mesure tourne toujours
Dans l’orbite du zéro
Pourquoi je devrais m’arrêter ?
J’obéis aux quatre éléments
Et le gouvernement local des aveugles
N’a pas à dicter le règlement de mon cœur

Que gémisse sans fin la sauvagerie
Dans le sexe de l’animal me laisse indifférente
Que remue sans valeur le ver
dans le vide de la chair me laisse indifférente
J’ai la lignée des fleurs dans le sang qui m’exhorte à vivre
La lignée des fleurs, vous comprenez ?

Forough Farrokhzad (1935-1967, Iran)

Rédigé par hobo-lullaby

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C
Bonsoir Serge,<br /> <br /> Je reviens t'ajouter ceci qui a résonné tel l'écho à ce texte au cours de mes lectures. <br /> <br /> Il est pour toi ce monde où personne ne naît,<br /> et dans lequel n'existent<br /> ni la couronne morte ni la fleur utérine,<br /> elle est à toi cette planète pleine de pierres et de peau.<br /> Il y a là de l'ombre pour toutes les vies.<br /> Il y a des cercles de lait et des édifices de sang,<br /> et des tours d'air vert.<br /> Il y a du silence dans les murs, et de grandes vaches pâles<br /> avec des sabots de vin.<br /> <br /> Pablo Neruda (maternité)<br /> <br /> Big bisous<br /> <br /> caro
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H
Bonjour Caro<br /> <br /> C'est un poème qui ne dorlote pas ! De la poésie qui réveille, comme on l'aime.<br /> Neruda lui fait effectivement un bel écho.<br /> <br /> Bises<br /> Serge
C
Bonjour Serge,<br /> <br /> C'est une vraie merveille, un écrit à l'encre des tripes et aux fleurs de l'utérus, pas courant d'en lire de tels.<br /> Je sais ce que c'est que la lignée des fleurs.<br /> <br /> Bisous et merci pour cette découverte<br /> <br /> caro
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