Lu sur le blog de Julien Salingue : http://resisteralairdutemps.blogspot.fr/
Un article net, propre et sans bavures, une preuve par neuf impeccable pour un constat sans concession de l'echec des politiques européennes. L'alternative au capitalisme et à son valet qu'est la sociale-démocratie devient non seulement une évidence, mais une urgence absolue !
Publié le 24 juillet 2013.
Voilà des chiffres qui n'ont guère été commentés par les thuriféraires des politiques d'austérité. Ils ont pourtant été publiés ce lundi par Eurostat, le très officiel organe de statistiques européen, rattaché à la Commission. Qu'y apprend-on ? Que les politiques d'austérité creusent les dettes des États. Un scoop ? Pas vraiment. Mais lorsque ce sont les statisticiens de l'UE eux-mêmes qui les disent, autant ne pas laisser passer l'info, d'autant plus qu'elle n'a guère été relayée par les "grands médias".
La Tribune, quotidien peu suspect d'anticapitalisme, le reconnaissait
hier : "Les données publiées par l'institut européen des statistiques Eurostat lundi soir sont éloquentes en ce qui concerne l'échec de la gestion de la crise des dettes européennes. Elles montrent en effet que les pays qui ont appliqué les mesures de restrictions budgétaires les plus drastiques ont vu leurs dettes publiques augmenter de manière très importante".
C'est le moins que l'on puisse dire.
Eurostat précise ainsi que "par rapport au premier trimestre 2012, vingt-quatre États membres ont enregistré une hausse du ratio de leur dette publique par rapport au PIB à la fin du premier trimestre 2013, et trois une baisse. Les plus fortes hausses du ratio ont été observées en Grèce (+24,1pp), en Irlande (+18,3pp), en Espagne (+15,2pp), au Portugal (+14,9pp) ainsi qu’à Chypre (+12,6pp)".
Voici le tableau illustratif fourni par Eurostat (EL = Grèce, IE = Irlande) :
Soit, exprimée en pourcentage du PIB, une dette qui passe, en un an, de 136.5 à 160.6 en Grèce, de 106.8 à 125.1 en Irlande, de 73 à 88.2 en Espagne, de 112.3 à 127.2 au Portugal, et de 74.3 à 86.9 à Chypre.
Ce qui donne ce graphique, moins austère que celui d'Eurostat, réalisé par La Tribune :
Si l'on s'arrête sur le cas emblématique de la Grèce, le constat est simple : au premier trimestre 2013, la dette publique atteint le même taux qu'avant les restructurations, tandis que la pauvreté et le chômage ont explosé, avec par exemple le taux hallucinant de plus de 60% de chômeurs chez les jeunes de moins de 25 ans. En attendant la suite ?
En janvier dernier, deux économistes du FMI affirmaient que l'échec des politiques d'austérité était dû à une...
erreur de calcul, qui aurait amené l'institution à surestimer la croissance des pays menant des politiques d'austérité. Une manière commode de se dédouaner de l'échec cuisant des politiques conduites en Europe sous la houlette de la Troïka (UE, BCE, FMI), en les réduisant à une simple erreur dans un tableau Excel, sans évidemment remettre en question la logique générale de l'austérité budgétaire.
Les derniers chiffres d'Eurostat montrent qu'en réalité l'austérité produit des résultats qui sont à l'inverse des objectifs annoncés et que les seuls bénéficiaires en sont les banques elles-mêmes. Et, au-delà des chiffres, ce sont des pays entiers qui sont en train d'être broyés, avec des conséquences dramatiques et inquiétantes,
comme le rappelait récemment Stathis Kouvelakis, après la fermeture autoritaire de l'audiovisuel public en Grèce :
Sans être sous le joug des militaires, ou d’une armée étrangère, la Grèce a cessé d’être un pays "normal". Depuis maintenant trois ans, elle a, en effet, pris congé de ce qui, ici ou ailleurs dans notre continent, est considéré comme relevant de la "normalité".
Car il ne saurait bien entendu y avoir de "normalité", de vie en commun tolérable, dans un pays dévasté, où la récession et le chômage atteignent des niveaux inconnus depuis les années 1930. Dans un pays où la discussion ordinaire des lycéens est la destination vers laquelle elles ou ils comptent émigrer.
Il ne saurait y avoir de "normalité" avec des écoles, des universités, des hôpitaux qui partent à la dérive, quand la population est confrontée à ce qu’on peut qualifier de désastre humanitaire.
Il ne saurait y avoir de "normalité" quand, comme nous l’enseigne l’expérience historique, le désespoir et la colère impuissante d’une société paupérisée et humiliée se tournent contre les groupes les plus fragiles, dont la vie devient un enfer et qui replongent dans une horreur que, là aussi, on croyait oubliée dans nos pays depuis les années 1930.
Non, le pire n'est jamais certain. Mais il peut advenir, beaucoup plus vite que d'aucuns le pensent, si la marche actuelle des événements n'est pas stoppée.