Publié le 5 Octobre 2014

Le 8 août 1956, le charbonnage du bois du Cazier, près de Marcinelle, fut le théâtre de la plus importante catastrophe minière en Belgique causée par un incendie, avec 262 victimes (dont 136 Italiens, 95 Belges, huit Polonais, six Grecs, cinq Allemands, trois Hongrois, trois Algériens, deux Français, un Anglais, un Néerlandais, un Russe et un Ukrainien) sur les 274 hommes présents dans la mine.

 

Le drame a un impact considérable en particulier pour la communauté italienne : les mineurs calabrais étaient souvent engagés par villages entiers et les veuves sont ainsi nombreuses dans certaines régions du sud de l'Italie. C’est toutefois la région des Abruzzes qui sera la plus lourdement endeuillée et tout particulièrement Manoppello, avec 22 victimes pour ce seul village. De plus, l'Italie venait à peine de sortir d'une autre catastrophe, le naufrage du transatlantique Andrea Doria.

 

Le puits Saint-Charles de la SA des Charbonnages du Bois du Cazier était une concession de plus de 875 hectares sous Marcinelle, Couillet, Loverval et Gerpinnes. L'entreprise occupait alors 700 travailleurs de fond et de surface, l'extraction du charbon se répartissant en trois pauses journalières.

 

À l'époque, l'Italie échange de la main-d'œuvre contre du charbon. En 1956, sur un total de 142 000 mineurs, 44 000 Italiens travaillent dans les mines de Belgique, constituant à eux seuls plus de 30 % des mineurs du pays et plus de 50 % de ceux de la région de Charleroi3.

 

Actuellement, la mine est un musée consacré à la catastrophe, ainsi qu'à l'histoire de la région à travers la révolution industrielle et, bien sûr, aux charbonnages en général.

 

 

LE TRAIN DU SOLEIL

 

1. Turi Scordu, mineur-soufrier,

habitant à Mazzarino,

avec le Train du soleil

s'aventure vers son destin.

 

2. Que faisait-il à Mazzarino

s'il n'y avait pas de travail ?

il a fait la grève autrefois

et ils le mirent au bagne.

 

3. Une tanière sa maison,

sa femme était très maigre,

et la faim le cherchait

avec les lettres de l'huissier.

 

4. Sept enfants et son épouse,

huit bouches et huit ventres

et un camion pour cœur

chargé de doléances.

 

5. En Belgique, à la place,

il travaillait à présent jour et nuit;

il lui écrivait à sa femme :

ne mangez pas de fèves cuites.

 

6. Avec les sous que tu reçois

achète des affaires et les draps

et les chaussures pour les enfants

pour qu'ils puissent aller à l'école.

 

7. Les mines de Belgique,

les mines de charbon :

sont noires noires noires

comme du sang de dragon.

 

8. Turi Scordu, un bout d'homme,

il dort seul le soir ;

dans son lit, et les pieds en dehors,

il était agité comme un mulet.

 

9. Avec les femmes il essayait;

mais en étant analphabète

il ne savait pas les charmer avec

les paroles de poète.

 

10. Et il faisait pénitence,

Turi Scordu, en Belgique :

sans soutane ni mitre

ça lui semblait un sacrilège.

 

11. Certaines fois, la pensée,

le portait dans la tanière,

et son cœur faisait sonner la cloche

comme pour un enterrement.

 

12. Car s'il y avait de la soupe

de pommes de terre et de haricots,

dans la tanière c'était la fête

pour la femme et les enfants.

 

13. Quand il pensait à ses enfants

et à sa femme, Turi Scordu se

sentait comme un arbre arraché

sans racines ni feuilles.

 

14. Après un an de souffrance

il décida finalement :

«Ma femme, prend les affaires,

viens-t'en dans ce pays».

 

15. Et les enfants et la mère sont partis,

ils saluèrent Mazzarino;

les parents ensuite

faisaient un repas-fête.

 

16. Une valise en carton

avec la corde en travers ;

le nourrisson sur le sein

qui tétait à temps perdu.

 

17. Elle marche devant

la couvée de bohémiens :

avec des paquets et des sacs à la main,

des petits tas jusque sur le dos.

 

18. La couvée avec la couveuse

quand elle fut dans le train,

elle ne savait pas si elle était dans le ciel ...

ni si elle touchait la terre ferme.

 

19. De loin, le village

monte et descend à présent;

et le train qui volait

sans ailes et sans plumes.

 

20. De temps en temps il s'arrêtait

pour enfourner des passagers:

des émigrants mineurs-soufriers,

fils, pères et épouses.

 

21. Pères et mères se présentent,

le malheur les rend amis :

les émigrants font une famille

dans le wagon.

 

22. «Mon nom ? Rosa Scordu».

«Le village ? Mazzarino».

«Où allez-vous ?». «Où allons-nous ?

Où veut le destin !».

 

23. Combien de choses ils se racontèrent !

parce qu'on sait que les pauvres

ont des millions de problèmes:

piqués par les abeilles !

 

24. Quand la nuit est venue

après Villa San Giovanni

une radio de poche

divertit grands et petits.

 

25. Tous écoutent la radio,

un émigrant la tient dans la main;

les enfants n'ont pas sommeil

ils font les très grands yeux.

 

26. Rosa Scordu écoute et pense,

en arrivant; qu'est-ce qu'elle va trouver...

d'autres gens et une autre nation,

une histoire toute neuve.

 

27. Et elle se sert par défense

le nourrisson endormi

pendant qu'elle ne cesse de regarder

ses autres enfants à côté d'elle.

 

28. Et la radio de poche

joue de la musique de bal;

un discours de ministre;

une minute d'intervalle.

 

29. Ensuite elle donna les Nouvelles,

il était presque minuit :

ce sont les dernières Informations

le Informations de la nuit.

La radio retransmet :

«Dernières Nouvelles de la nuit.

Un grand malheur s'est produit

en Belgique dans le district minier

de Charleroi.

Pour une raison indéterminée

une explosion a effondré

l'un des étages de la

mine de Marcinelle.

Le nombre de victimes est

très élevé».

 

30. Il y eut un éclair de peur

que cela coupa le souffle à tout le monde ;

Rosa Scordu écarquille les yeux

elle avale feu et larmes.

La radio continue de retransmettre :

«Les premiers corps ramenés

à la surface par les équipes de secours

sont ceux de nos compatriotes

émigrés de Sicile.

Voici la première liste

des victimes.

Natale Fatta, de Riesi province de Caltanissetta

Francesco Tilotta, de Villarosa province de Enna

Alfio Calabrò, de Agrigento

Salvatore Scordu...».

 

31. Un tremblement de terre : «Mon mari !

mon mari !» elle crie et pleure,

et les voix sang et feu

comme des lances dans les yeux.

 

32. Une main et cent bouches,

allumée comme une torche,

elle se lamente et s'enfonce les ongles

dans la chair et se l'écorche.

 

33. L'autre main sert et fait des bleus

au nourrisson évanoui,

qui se tord pendant qu'il pleure

étouffé et sans aide.

 

34. Et les enfants ?

certains comprennent, d'autres non,

noyés au milieu des vagues

de cette mer sans poissons.

 

35. Rosa Scordu, malheureuse,

n'est ni femme ni mère,

et les enfants sont orphelins

de mère comme de père.

 

36. Les émigrants sont autour

et ils ne savent pas quoi faire ;

au milieu des vagues, ils sont eux aussi :

traînés par cette mer !

 

37. Le train va dans la nuit,

quelle longue et sombre nuit :

il n'y a pas eu les funérailles,

le wagon est une fosse (tombale).

 

38. Turi Scordu à la fenêtre,

attaché sur le verre,

sans yeux, sans bouche

c'est un squelette brûlé.

 

39. L'aube est venue sans lumière,

Turi Scordu restait là :

Rosa Scordu le serrait

dans les bras, et se brûlait.

 

 

 

Les choses changent-elles vraiment ?

 

 

 

 

Merci Anne-Marie pour les deux dernières vidéo

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Rédigé par hobo-lullaby

Publié dans #musique

Publié le 3 Octobre 2014

Trois morceaux de Jimmy Reed parce que ... C'est vendredi !!

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Rédigé par hobo-lullaby

Publié dans #Blues, #musique

Publié le 28 Septembre 2014

La Balade de Tom Joad par Woody Guthrie

et son fantôme Par Springsteen, repris par Rage against the Machine

Le Fantôme De Tom Joad

 

Un homme marche le long des rails du chemin de fer

Il va quelque part, et il n'y a pas de retouren arrière

Les Patrouilles de l'autoroute arrivent par dessus la crête

L'homme dort près d'un feu de camp sous le pont

La ligne de refuge s'étend sur le coin

Bienvenue dans le nouvel ordre du monde

Des familles qui dorment dans leur voiture dans le Sud-Ouest

Pas de travail, pas de maison, pas de paix, pas de repos, PAS DE REPOS !

 

Et l'autoroute est en vie ce soir

Personne ne trompe qui que ce soit sur là où ca mènera

Je suis assis ici a la lumiere du feu de camp

A la recherche tu fantôme de Tom Joad

 

Il sort un livre de prières de son sac de couchage

Le pasteur allume une cigarette et tire une bouffée

Il attend le moment où le dernier sera le premier

Et le premier sera le dernier,

Dans une boîte de carton sous le passage

Avec un aller simple vers la terre promise

Avec un trou dans le ventre et un revolver dans la main

A chercher un oreiller de cailloux

A se baigner dans les aqueducs de la ville

Des cailloux !

 

L'autoroute est en vie ce soir

Personne ne trompe qui que ce soit sur là où ca mènera

Je suis assis ici à la lumière du feu de camp

Avec le fantôme du vieux Tom Joad

 

Et là Tom a dit, "M'man, partout où tu verras un flic tabasser un mec

Partout où un nouveau-né affamé pleurera

Partout où il y aura un combat contre le sang et la haine dans l'air

Cherche moi maman, Je serai là

Partout où quelqu'un se battra pour un endroit où rester

Pour un travail décent ou un coup de main

Partout où quelqu'un luttera pour etre libre

Regarde dans leurs yeux M'man, tu me verras"

 

L'autoroute est en vie ce soir

Personne ne trompe qui que ce soit sur là où ca mènera

Je suis assis ici à la lumiere du feu de camp

Avec le fantôme de Tom Joad

 

 

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Rédigé par hobo-lullaby

Publié dans #musique

Publié le 27 Septembre 2014

Un très beau poème de Georges Perros et une dédicace musicale à Erwan avec une pensée pour le juke box de Marie-Rose ...

Je n’ai jamais su travailler (1967)

Je n’ai jamais su travailler

trop distrait pour m’en faire accroire

et quand j’imite ceux qui ont

le sens du labeur quotidien

je me retrouve tout honteux

le soir venu Rien ne me semble

plus paresseux que le travail

comme on l’entend dans nos pays

de bureaux de banques Je suis

pour la vie intégrale et comme

personne ne joue avec moi

on s’y ennuierait à mourir

je reprends ma besace et seul

je découvre à nouveau ce rien

qui m’est travail prométhéen

car je n’en mérite le bien

n’étant pas de ces grands artistes

que leur paresse même excite

à reprendre en main l’énergie

qu’elle trahit dès qu’on la presse

de cesser d’être souveraine

Et rien ne m’étonne aujourd’hui

comme ceux qui font ce qu’ils font

sans qu’un reste vienne tout perdre

de ce qu’ils ont fait sans laisser

place à ce vent qui me démange

au plus fort d’un travail promis

que je dois remettre et que ronge

le goût de subsister sans lui

Je dois me clouer à ma chaise

fermer les rideaux mettre bas

mes chiots de plaisir leur tendre

de loin l’os trouvé dans la nuit

en m’excusant d’avoir à faire

je ne suis pas libre aujourd’hui

Je comprendrais qu’ils m’abandonnent

ces anges de grenier ces dieux

qui m’ont tant donné de quoi être

et que je traite avec mépris

(je le fais le moins que je puis)

dès qu’il s’agit du sérieux

qu’exige notre société

où le moindre faux pas faux mot

fait redresser la guillotine

Nous sommes de fameux salauds

Le travail c’est la liberté

surtout c’est la santé de l’autre

qui nous regarde travailler

et nous félicite d’y croire

pendant le temps qu’il va nager

dans les trous de notre mémoire

N’importe demain s’ouvrira

sur une scène où dort mon rêve

et vous n’en aurez pas la clé

qui meut les décors Je me rends

à vous raisons hommes de loi

hommes d’honnête quant-à-soi

Mais s’il est vrai : sans importance

tout ce qui est exagéré

tout ce qui ne l’est pas je pense

est médiocre plus qu’à moitié

Ce sera la honte des hommes

et la mienne hélas aussi bien

de s’être fabriqué des normes

qui leur vont si mal Nos malheurs

n’en cherchons pas trop d’autres causes

Nous avons inventé la peur

Nos guerres futures seront

comme nos esprits mécaniques

Nous aurons tous bien travaillé

à ce résultat pathétique

et l’amour toile d’araignée

tricotera une brassière

pour le premier bébé futur.

Georges Perros (1923 – 1978) – La vie ordinaire (1967)

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Rédigé par hobo-lullaby

Publié dans #poèsie, #musique

Publié le 17 Septembre 2014

De l’autre coté de la mer

 

Méfie-toi de Gaza
Et de ses blessures hantées
Par le sable mouvant
Il est rituel chez eux
Que des poèmes cagoulés de supplice amers
Enfantent des promesses de sang sur les murs 
En guise d’écriteaux 
Quelle est cette langue
Que nous parlons
En épousant la mort ?
Enfant de mauvaise lune
Tes rêves appuyés sur la gâchette
Ne prolongeront pas tes bras
Hélas !
Tu es venue au monde 
A l’ère truquée
Il ne reste aucun mystère
Sous la montée des vagues
L’arme qui tue
Sera condamnée par défaut d’être métal
Et le meurtrier déguisé
En franc tireur 
Nous vivons des marges obscènes
En décadence apocalyptique
Des regrets pour la moisson du jour
Nous sommes au temps des cicatrices
Et la nuit a déjà fait sa preuve
Dans nos deuils
Gaza de Port-au-Prince
Gaza de Lybie
Gaza de partout 
Les chars ont brulé les arbres
Jusqu'à retarder l’aube
Tandis que les cœurs battants
Sous des projectiles
Avilissent la beauté de ce monde  
Comme une grenouille qui voit sa fin
Sur des chansons de mauvaises haleines
Méfie-toi de Gaza
Et des autres paradis
Décolorés par les grands journaux…

 

Anderson Dovilas, in Mémoire d’outre monde

 

De l’autre coté de la mer

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Rédigé par hobo-lullaby

Publié dans #Palestine, #poèsie

Publié le 9 Septembre 2014

Parce que nous en avons assez d’être parqués dans les
pâtures empoisonnées du malheur
parce que nous en avons assez de loger dans l’aile en
ruine de l’histoire
parce que dans nos poignets brûlent des avoines et des
seigles de tendresse
parce que des faims neuves provoquent des émeutes au
fond des faubourgs du sang
et que les écluses de la patience fléchissent à travers la
géographie mouvementée de notre rêve
Nous allons seller les chevaux fabuleux de la révolte et
du courage…

 

 

André Laude – Poème (1962)

 

 

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Rédigé par hobo-lullaby

Publié dans #poèsie

Publié le 31 Août 2014

"Deportee", un des plus beau et  plus émouvant texte de Woody Gutherie, qui conte le crash d'un avion américain, le 29 janvier 1948, près de "Los Gatos Canyon" (Californie), dans lequel vingt-huit fermiers migrants mexicains (vingt-sept hommes et une femme) perdirent la vie sans que la presse ne s'en émeuve le moins du monde, car tous faisaient partie d'un voyage expulsif de la Californie vers le Mexique. Pire, les seuls noms de victimes publiés furent ceux de l'équipage de l'avion et des agents de sécurité escortant les "déportés". Encore pire, les malheureux Mexicains furent ensevelis dans une fosse commune, dans le cimetière de Fresno… 

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Rédigé par hobo-lullaby

Publié dans #musique