Lettres de Christine depuis les QI et QD de diverses taules

Publié le 27 Mai 2013

Début novembre 2012, suite à une altercation avec les matons en allant visiter son compagnon au parloir à la taule de Corbas, Christine a été emmenée en garde à vue. Puis, en attendant un procès qui a eu lieu le 13 février, elle a été placée en détention à la Maison d’arrêt de La Talaudière à Saint-Étienne. Elle reste incarcérée depuis, et purge la somme de différentes peines écopées ces dernières années suite à de multiples insoumissions à l’autorité de différentes institutions (flics, administration pénitentiaire, institution psychiatrique…).

Christine est ber­gère. Elle a notam­ment eu des soucis avec les ins­ti­tu­tions répres­si­ves lors de sa par­ti­ci­pa­tion à des luttes contre la loppsi 2, contre le puçage des mou­tons.

Depuis son incar­cé­ra­tion, Christine a eu de mul­ti­ples embrouilles en déten­tion. Elle a été placée au mitard (QD ou Quartier Disciplinaire) et au QI (Quartier d’iso­le­ment). Elle a été trans­fé­rée de La Talaudière à Corbas (Lyon) puis à Joux-La-Ville. Aux der­niè­res nou­vel­les, elle est main­te­nant à Bapaume, vers Lille (ses pro­ches sont dans le sud !). L’accu­mu­la­tion d’alter­ca­tions en déten­tion risque d’alour­dir sa peine, voire de la mener à nou­veau devant les tri­bu­naux.

Dans dif­fé­ren­tes let­tres qu’elle a pu faire sortir de prison, elle raconte ses com­bats en déten­tion et la répres­sion féroce. Elle sou­haite que ces let­tres (que nous avons récu­péré un peu tar­di­ve­ment) soient dif­fu­sées auprès des grou­pes qui se préoc­cu­pent de ce qui se passe en prison, et publi­que­ment. Nous vous en pro­po­sons ci-des­sous de larges extraits.

Christine se bat et reven­di­que au quo­ti­dien. Elle crie qu’elle refuse l’enfer­me­ment. Et se bat pour que, au mini­mum, ses droits soient res­pec­tés. Elle a entamé de nom­breux recours admi­nis­tra­tifs et plain­tes. Son avocat est Guy Nagel (Lyon), elle est en contact avec l’OIP (Observatoire International des Prisons).

Il est pos­si­ble de lui écrire à la prison de Bapaume, et tout sou­tien sera cer­tai­ne­ment le bien­venu !

Christine Ribailly – Centre de déten­tion – Chemin des Anzacs – 62451 Bapaume Cedex

------------------------------------------------------------------------------------------

Extraits de let­tres de Christine

• Jeudi 31 jan­vier, Corbas, QD

Ne recu­lant devant aucun défi pour vous four­nir des infos fraî­ches et diver­ses, votre envoyée spé­ciale au péni­ten­cier est main­te­nant au mitard à Corbas.
Je suis passée au pré­toire (à la Talaudière) et j’ai pris quinze jours (de mitard) ferme et 8 jours avec sursis. Je ne croyais pas que six mois allaient s’écouler sans que ça me tombe dessus, même si l’idée était sédui­sante. J’ai donc appris que je serai trans­fé­rée ce lundi 28 (il n’y a pas de mitard au quar­tier femmes de la Talaud).
Entre le pré­toire et ce trans­fert, j’ai vu un OPJ au par­loir pour m’audi­tion­ner sur « l’incen­die du 28 novem­bre ». Il m’a dit que selon lui ce serait classé sans suite, mais on sait ce que ça vaut une parole de flic.
J’ai aussi eu un signa­le­ment au pro­cu­reur le 19 décem­bre, suite à une pré­ten­due bagarre avec une codé­te­nue en pro­me­nade. Ça me fait beau­coup plus chier car c’est faux : on n’a pas échangé un seul coup et si, moi, j’ai été bles­sée, c’est par les gros bras en bleu qui m’ont sortie manu mili­tari de la cour. J’ai donc fait un recours à la DI à propos de ce rap­port pour que les infos conte­nues dans le dos­sier dis­ci­pli­naire soient hon­nê­tes si je vais un jour en procès pour ça.
Dimanche 27 jan­vier, à la pro­me­nade, je me suis à nou­veau engueu­lée avec la même fille. Cette fois on a échangé des coups (J’en ai pris plus car elles étaient à 2 contre moi). Bien sûr c’est moi que les bleus ont remonté en cel­lule, menot­tée dans le dos. Après m’être calmée, j’ai demandé à télé­pho­ner, comme j’y ai droit. En fait, la sur­veillante ne vou­lait pas m’ouvrir sans un sur­nom­bre de matons comme ils me le font sou­vent, malgré l’accord avec la direc­tion le 15 novem­bre. (…) L’auxi peut témoi­gner que j’étais calme. Mais les matons m’ont foutue au sol le temps de mettre en cel­lule le repas dans une bar­quette en plas­ti­que. J’ai dit : « je veux juste télé­pho­ner, j’y ai droit, de quoi avez-vous peur ? Je ne me débats même pas ». Mais ils m’ont refou­tue en cel­lule et je n’ai pas pu blo­quer la porte. J’étais furax et j’ai glissé du papier jour­nal sous la porte pour l’enflam­mer, comme je l’ai sou­vent pra­ti­qué. (…) Ils ont ouvert la porte, l’un d’eux avait un extinc­teur. Il ne s’est pas contenté d’asper­ger la porte mais m’a déli­bé­ré­ment asper­gée. J’étais en train de res­pi­rer à la fenê­tre. Je suis allée vers eux en gueu­lant : « Tu t’amuses bien ? » Ils ont essayé de la refer­mer mais je l’ai blo­quée avec le genou. Ils se sont alors énervé et m’ont foutu au sol, dans la neige car­bo­ni­que. Ils m’ont menot­tée dans le dos en me fai­sant vrai­ment mal à l’épaule et en ser­rant très fort. Depuis leurs cel­lu­les des filles criaient : « Salauds ! Lâchez-la ! On t’a entendu dire que tu allais lui casser le bras ! » Il m’a demandé de dire aux filles de se calmer mais j’ai refusé, deman­dant juste à ce qu’il lâche l’épaule. Je suis restée au sol sous ce mec le temps qu’ils vident entiè­re­ment la cel­lule (frin­gues, bou­quins, pou­belle, table…) puis ils m’y ont refou­tue en le lais­sant un doli­prane sur l’évier. Elle était trem­pée et noire de papiers brûlés, moi j’étais trem­pée et mal en point.
(…)
À 7h du matin, (quand ils ont ouvert), je suis allée vers la cabine. Mais ils m’ont dit que je télé­pho­ne­rai après la douche. J’ai accepté car j’en avais vrai­ment besoin. Quand je suis (retour­née dans la cel­lule), ils en ont pro­fité pour cla­quer la porte. (…) J’ai gueulé « Vous aviez dit que je télé­pho­ne­rai après ! » et ils ont répondu « Ben ouais, après, tu télé­pho­ne­ras après… Allez, bon QD ! » ET un de ces s… rigo­lait en disant : « Ben quoi, tu chia­les Ribailly ? », alors que je répé­tais, à bout de nerfs : « T’avais dit ! ». (Puis Christine a été trans­fé­rée vers Corbas.)
Entre 7 et 9h, toutes les filles qui sont pas­sées ont vu mon bordel dans le cou­loir et la crasse sous la porte. Beaucoup ont été cho­quées et m’ont gueulé quel­ques mots de soli­da­rité. J’ai aussi eu un yoyo de mon propre tabac qu’elles ont pris dans ma veste, sur le tas. (…) Hier j’ai vu le toubib dans le cadre de l’accueil arri­vante au mitard. Elle m’a fait un cer­ti­fi­cat médi­cal avec 3 jours d’ITT. J’aime­rais dépo­ser plainte pour abus de pou­voir et vio­len­ces. Pensez-vous que c’est pos­si­ble ? Voulez-vous m’y aider ?
Bon, après ça j’étais remon­tée à bloc pour faire face au mitard. Ils ont du le com­pren­dre car ils ont eu une toute autre posi­tion qu’il y a deux ans. Au greffe, ils se sont contenté d’un « Non ! » quand ils m’ont demandé la bio­mé­trie. J’ai pu avoir mon tabac à la porte de la cel­lule. J’ai vite eu des bou­quins et de quoi écrire. Grâce à la réforme, j’ai même une petite radio. (…) Du coup, libé­rée de la peur qu’ils me psy­chia­tri­sent, je vis bien mieux le mitard que je ne le crai­gnais. (…) J’écris beau­coup (vous voyez), je fais des séries de pompes et abdos. Je dors bien. (…) Qu’est-ce que vous ne savez pas sur le QD de la MAF (Maison d’arrêt pour femmes) ? Il y a trois cel­lu­les, 2 cours gou­dron­nées de 6×8m cer­nées de murs ou grilles de 3 ou 4 mètres de haut, et au pla­fond tel­le­ment tapis­sée de bar­reaux, grillage serré et rou­leaux de bar­be­lés que j’ima­gine que la neige ne passe pas (En tous cas le soleil, c’est sûr, n’atteint jamais le sol). (…)

La suite sur Rebellyon : http://rebellyon.info/Lettres-de-Christine-depuis-les-QI.html

Rédigé par hobo-lullaby

Commenter cet article
A
Et nous prétendons vivre dans une société qui se dit civilisée et respectueuse des droits de l'Homme !<br /> Certain(e)s maton(nes) n'auraient pas déparé à une autre époque.<br /> J'ai lu, il y a peu de temps, &quot;La vie en prison&quot; de Claire Capron et Florence Delsemme, livre où 80 visiteuses et visiteurs de prison témoignent des conditions carcérales en Belgique francophone. Ils y dénoncent aussi les conditions de vie et les dégâts collatéraux que la prison engendre et soulignent la nécessité d'un changement radical de notre politique d'incarcération.
Répondre
H
Bonjour Anne-Marie<br /> <br /> C'est un vrai problème. Les dégâts causés par les prisons vont à l'encontre de l'effet escompté. Les conditions d'incarcération en sont la principale cause. Tout les récits de prisonniers sont là pour en attester. Triste constat d'échec pour une société qui est de moins en moins humaine.<br /> <br /> Bises<br /> Serge
F
Suis allée lire la suite.. c'est hallucinant... un cercle vicieux qui ne s'arrête jamais...
Répondre
H
Bonjour Fanfan<br /> <br /> Tu as raison, les causes de son incarcération ne sont pas très détaillées, mais on devine que sont esprit rebelle n'est pas pour rien dans cette infernale béchamel.<br /> Il n'en reste pas moins vrai que les conditions des prisonniers sont inhumaines. <br /> <br /> Bises<br /> Serge
F
Les causes de l'incarcération de Christine ne sont pas très claires mais ce qui est évident c'est que les rebelles en prison trinquent et font l'objet de sévices impunis car le pouvoir est de l'autre côté de la porte de cellule. <br /> J'ai pensé à &quot;vol au dessus d'un nid de coucou&quot; et ça me fait frémir.<br /> Quand je pense que les délinquants en col blanc se pavanent en liberté .. c'est à hurler.<br /> Je relaie sur tweeter.<br /> Bises Serge et bonne journée
Répondre