Poètes vos papiers ! Soutien à Angye Gaona
Publié le 29 Janvier 2012
Le procès d'Angye Gaona a débuté le 23 Janvier.
Lettre à un juge qui inculpe la poésie
« Trafiquante de mots »
Monsieur le juge de la « trafiquante de mots » Angye Gaona.
Soyez bien conscient que Angye s’adonne au trafic des mots. Peut-être elle est fatiguée des mots qu’on entend tous les jours. En
Colombie, les mots les plus fréquents sont « inculpé, » « victime », « déplacé », « disparu », « exilé », « arrêté », « emprisonné », «justiciable», « armée », « condamnation », « mort »,
« juge », « police », « persécution », « assassinat », «embuscade », « attentat » et tant d’autres âpres termes que désignent notre temps obscur : là, où le mot « prison » a été écrit, Angye a
écrit le mot « oiseau ».
Jugez par-vous même, car vous jugerez la Poésie si jamais le mot « condamnation » a un sens. Avec cette grammaire nous allons chaque jour à notre travail, en marchant entre les lignes de cette langue nommant abymes et atavismes deuils et misères.
Jugez par-vous même, car vous jugerez la Poésie si jamais le mot « condamnation » a un sens. Avec cette grammaire nous allons chaque jour à notre travail, en marchant entre les lignes de cette langue nommant abymes et atavismes deuils et misères.
Là où était le mot barreau Angye écrivit le mot rêve, et ce jour-là a commencé son procès.
Nous sommes de ceux qui pensent que le monde a aussi été crée pour la célébration de la vie et pour la vie, nous, nous pensons en d’autres termes, dans une réalité autrement définie, dans une autre écriture, dans une autre société où les rêves sont encore possibles. Et avec Angye nous invoquons d’autres mots qui ouvrent des fenêtres sur l’obscurité de notre monde et qui conjurent l’obscure grammaire de la haine et de la peur. En un chœur désobéissant, avec Angye nous, nous disons « mer » et nous disons « plaine », nous disons « sable », « montagne » et « cordillère » et nous nous rebellons contre les mots de la nuit ; nous n'acceptons pas cette nuit imposée. Et nous écrivons des phrases issues d’un monde caché, comme Angye qui écrit « ce que j’apporte c'est la mer », et elle écrit « lisière lumineuse » et d’autres expressions douloureuses telle que « le soleil thésaurise dans les voûtes», «le chemin du sternum ». Peu importe que l’on comprenne ou non, on le dit. Et ne comprend on pas qu’une poète de sa trempe s’efforce d’arracher des étincelles à la lumière là où il n’y a que de la nuit ? Puis nous nous rebellons contre la nuit, et nous disons Soleil des voûtes, tu n’es pas notre soleil ! Soleil des cendres, nous te voulons dehors, libre des prisons qui s’érigent pour cacher le jour aux yeux des humains !
Nous sommes de ceux qui pensent que le monde a aussi été crée pour la célébration de la vie et pour la vie, nous, nous pensons en d’autres termes, dans une réalité autrement définie, dans une autre écriture, dans une autre société où les rêves sont encore possibles. Et avec Angye nous invoquons d’autres mots qui ouvrent des fenêtres sur l’obscurité de notre monde et qui conjurent l’obscure grammaire de la haine et de la peur. En un chœur désobéissant, avec Angye nous, nous disons « mer » et nous disons « plaine », nous disons « sable », « montagne » et « cordillère » et nous nous rebellons contre les mots de la nuit ; nous n'acceptons pas cette nuit imposée. Et nous écrivons des phrases issues d’un monde caché, comme Angye qui écrit « ce que j’apporte c'est la mer », et elle écrit « lisière lumineuse » et d’autres expressions douloureuses telle que « le soleil thésaurise dans les voûtes», «le chemin du sternum ». Peu importe que l’on comprenne ou non, on le dit. Et ne comprend on pas qu’une poète de sa trempe s’efforce d’arracher des étincelles à la lumière là où il n’y a que de la nuit ? Puis nous nous rebellons contre la nuit, et nous disons Soleil des voûtes, tu n’es pas notre soleil ! Soleil des cendres, nous te voulons dehors, libre des prisons qui s’érigent pour cacher le jour aux yeux des humains !
Qu’on veuille remettre Angye en geôle ? Vous ne comprenez pas, les oiseaux de la nuit ne connaissent pas le vol léger des
oiseaux du jour.
Monsieur le Juge, il n’est pas possible d’emprisonner la rébellion du vent.
Álvaro Marín
Écrivain, poète, essayiste
Traduction française : Cristina Castello
Révisée par André Chenet
Pour plus d'informations suivre : http://les-risques-du-journalisme.over-blog.com/
les oiseaux dans leurs cris de détresse empruntent à la violence musicale. Les plus beaux chants sont des chants de
revendication. Le vers doit faire l'amour dans la tête des populations. A l'école de la poésie, on n'apprend pas: on se bat.
Place à la poésie, hommes traqués! Mettez des tapis sous ses pas meurtris, accordez vos cordes cassées à son diapason lunaire,
donnez-lui un bol de riz, un verre d'eau, un sourire, ouvrez les portes sur ce no man's land où les chiens n'ont plus de muselière, les chevaux de licol, ni les hommes de salaires.
N'oubliez jamais que le rire n'est pas le propre de l'homme, mais qu'il est le propre de la Société. L'homme seul ne rit pas; il
lui arrive quelquefois de pleurer.
N'oubliez jamais que ce qu'il y a d'encombrant dans la morale, c'est que c'est toujours la morale des autres.
Je voudrais que ces quelques vers constituent un manifeste du désespoir, je voudrais que ces quelques vers constituent pour les
hommes libres qui demeurent mes frères un manifeste de l'espoir.
Léo Ferré
"Les questions retentissent,
claquements dans les tympans officiels.
S’éveillent les noms harcelés,
les écartelés sans sépulture,
occultés sous la fange impunie.
Les noms se raniment dans les voix ;
les murs des prisons peuvent s’effondrer,
les trônes peuvent être pris,
les frontières se diluent,
si on invoque ces noms.
Aucune arme, aucun affront, rien,
ne devra répliquer à ces noms calcinants."
Angye Gaona
Extrait du poème Le volcan parle
Traduction française de Pedro Vianna
LIBERTE POUR ANGYE GAONA