Lynne Stewart : Une histoire américaine
Quand le système judiciaire se met au service de l'injustice pour nier les droits des citoyens...
par Claude Jacqueline Herdhuin
Il semblerait qu’en ce début du 21e siècle rien ne soit plus important que le secret. À une époque où la technologie permet de
divulguer l'information en quelques secondes et d’un bout à l’autre de la planète, les pouvoirs ne cessent d’alléguer le droit au secret. L’argument massue des gouvernements pour empêcher
l’information de circuler est la sécurité. Tous les moyens sont permis.
Le 11 septembre a marqué le point pivot qui a légitimé toutes les exactions. Le gouvernement des États-Unis, autoproclamé principale
victime du terrorisme, a oublié ses exactions passées au Vietnam, dans des États d’Amérique latine, etc. pour brandir, une fois de plus, son étendard de la Démocratie. Comme si les États-Unis
étaient le symbole et le bastion de la Démocratie.
La démocratie américaine est fondée sur la Constitution des États-Unis (17 septembre 1787) et sur The Bill of Rights (la Déclaration
des droits) adoptée le 15 décembre 1791. La Déclaration des droits regroupe les dix premiers amendements à la Constitution. Le premier amendement garantit la liberté de parole ou de la presse : «
Le Congrès ne fera aucune loi concernant l’établissement d’une religion ou interdisant son libre exercice; ou restreignant la liberté de parole ou de la presse, ou le droit du peuple de
s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des griefs. » (Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free
exercise thereof; or abridging the freedom of speech, or of the press; or the right of the people peaceably to assemble, and to petition the government for a redress of grievances.) Le sixième
amendement garantit le droit à tout accusé d 'être jugé promptement et publiquement par un jury impartial de l'État : « Dans toutes poursuites criminelles, l’accusé jouira du droit à un procès
rapide et public par un jury impartial de l’État et du district dans lequel aura été commis le crime, district dont les limites auront été préalablement délimitées par la loi, et d’être informé
de la nature et la cause de l’accusation, d’être confronté avec les témoins en sa faveur, et d’avoir l’assistance d’un avocat pour sa défense. » (In all criminal prosecutions, the accused shall
enjoy the right to a speedy and public trial, by an impartial jury of the state and district wherein the crime shall have been committed, which district shall have been previously ascertained by
law, and to be informed of the nature and cause of the accusation; to be confronted with the witnesses against him; to have compulsory process for obtaining witnesses in his favor, and to have
the assistance of counsel for his defense.)
Je me concentre ici sur ces deux amendements, car deux exemples probants de violation de ces droits sont les cas de Lynne Stewart et
de Julian Assange.
Jeudi, le 19 novembre 2009, le Juge John G. Koeltl a ordonné à Lynne Stewart, avocate spécialisée dans la défense des droits civils
et militante de longue date, de se présenter immédiatement pour être incarcérée. Condamnée à 28 mois de prison le 16 octobre 2006 pour conspiration et soutien matériel au terrorisme, Lynne
Stewart était en liberté conditionnelle. Le gouvernement américain a fait appel et a réclamé de 15 à 30 ans de prison. Le 15 juillet 2010, le juge Koetl a augmenté la peine de Lynne Stewart à dix
ans. Il a retenu l’accusation de parjure et a reproché à Lynne Stewart de n’avoir manifesté aucun remords. Combattante de longue date, Lynne n’est pas restée silencieuse durant l’année qu’elle a
passée en prison à New York. Elle n’a cessé de « travailler de l’intérieur », entre autres en écrivant des lettres pour différents évènements. Mais, le gouvernement a de nouveau frappé en
transférant Lynne Stewart à la prison de Carswell, au Texas. En l’éloignant « brutalement » des siens et de ses supporters, il espère la faire taire et surtout qu’on l’oublie. Mais Lynne n’est
pas facile à abattre et à réduire au silence. C’est une femme énergique et qui, de plus, connaît ses droits. Le 17 décembre, elle a envoyé le courriel suivant à son fils dans lequel elle décrit
la brutalité d’un pouvoir qui ne respecte plus ses propres lois.
12/17/10. 10:45 am
Surreptitiously removed without my belongings or a chance to say good bye to anyone--I thought I was going to Beekman Hospital.
Instead, I took a cold busride to newburgh, and was put on a plane --Brutally cold, no jacket etc. Went to Oklahoma City, overnight and then was driven to Dallas by van the next day.
It's not ideal but Ican make it. Will explain more next time. Much love to all.
Mom
Enlevée en cachette sans mes effets personnels ou la possibilité de dire au revoir à qui que ce soit- - Je pensais qu’on m’emmenait à
l’hôpital Beekman. Mais, on m’a conduite en autobus à Newburg où on m’a fait monter dans un avion. Il faisait terriblement froid, pas de veste, etc. Suis allée à Oklahoma City pour la nuit, puis
on m’a conduite en camionnette à Dallas le lendemain. Ce n’est pas idéal, mais je tiens le coup. Donnerai plus d’explication la prochaine fois. Je vous aime tous. Maman.
Source : http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=22464
Le 28 juin 2012, la cour d'appel des États-Unis pour le deuxième circuit (United States Court of Appeals for the Second Circuit), a
maintenu la décision du juge Koeltl du 15 juillet 2010 d’augmenter à 10 ans la peine initiale de Lynne Stewart. Le 16 octobre 2006, ce même juge avait condamné Lynne Stewart à 28 mois de prison
pour conspiration et soutien matériel au terrorisme.
Cette avocate, aujourd’hui radiée du barreau, a consacré sa vie aux pauvres, aux défavorisés, à la communauté noire et à la justice.
Ceux d’entre eux qui n’avaient pas les moyens de payer les services d'un avocat pouvaient frapper à sa porte. Aujourd'hui, Lynne Stewart lutte non seulement pour sa liberté et ses droits, mais
également pour la liberté et les droits de tous les Américains.
Âgée de 72 ans, elle est détenue à la prison de Carswell, au Texas depuis 32 mois. Il lui reste encore sept ans et demi avant de
pouvoir espérer retrouver la liberté, à l’âge de 80 ans…
Si l'on fait un rapide retour sur le cas de Lynne Stewart, il ressort immédiatement qu'elle a servi de bouc émissaire au gouvernement
des États-Unis. La justice américaine s’est intéressée à son cas seulement après le 11 septembre 2001. Rappelons que sa seule faute est d'avoir contrevenu aux mesures administratives spéciales
(Special Administrative Measures, SAM) du bureau américain des prisons (US Bureau of Prisons). Elle avait été obligée de signer ces mesures pour pouvoir défendre le Cheik Omar-Abdel Rahman. Les
SAM sont inconstitutionnelles : elles violent le Premier Amendement ainsi que le Sixième Amendement de la Constitution américaine selon lequel, tout accusé a droit à un avocat et à être jugé par
un jury d’État impartial dans l’État même où le crime a été commis et seulement pour ce crime. L'Administration Clinton n'a pas considéré Lynne Stewart comme une terroriste et une traîtresse. À
l’époque, son cas a simplement été considéré comme une faute administrative. Lynne Stewart a reçu une lettre à cet effet, et n’a pas pu rendre visite à son client pendant quelque temps. Puis,
elle a pu reprendre ses visites au Cheik en prison et poursuivre son travail d’avocate. Ce n’est que le 9 avril 2002 qu’elle a été arrêtée à son domicile par le FBI, quelques mois après les
évènements du 11 septembre 2001 et dans un climat d’hystérie collective. Le soir de son arrestation, John Ashcroft, ministre de la Justice des États-Unis, est allé à l’émission populaire de David
Letterman, Late Night Show, et a déclaré à toute l’Amérique que Lynne Stewart était une traîtresse à la nation.
Lynne Stewart est devenue un double symbole. Le gouvernement américain et ses partisans voient en elle une menace pour l'autorité et
la sécurité des États-Unis, en langage clair : une menace pour leurs intérêts. En réalité, ses années de travail acharné comme militante pour la justice sociale et le respect des droits civils,
sa brillante carrière d’avocate de la défense et sa connaissance sans faille de la loi et du système judiciaire sont ses seules fautes. Devenue un exemple pour de nombreux avocats plus jeunes,
elle représentait un danger réel pour le gouvernement. Un danger que la justice et la loi soient respectées aux États-Unis. Pour ses partisans et les partisans des droits et liberté et du respect
de la Constitution , elle est le modèle à suivre. La femme derrière laquelle on se range pour monter aux barricades et prouver au gouvernement qu’on existe, que les lois existent et qu’on
n’abandonnera pas la lutte pour la justice et les droits et libertés. Elle est une héroïne.
En s’acharnant contre elle, l’Administration américaine contribue à en faire une héroïne encore plus grande. Lynne Stewart l’a déjà
prouvé, elle n’abandonnera pas le combat. Et c’est ce que les juges lui reprochent. En sa qualité d'ancienne avocate, elle connaît tous les rouages du système judiciaires ainsi que ses droits.
Elle n'est pas à la veille de se taire ou de baisser les bras. Et, advenant qu’elle ne sorte de prison qu’à l’âge de 80 ans, il est fort probable qu’elle sortira debout, le poing levé et que
nombreuses seront les personnes qui l'attendront quand elle franchira les grilles.
Ce cas états-unien s'inscrit dans la logique mondiale d'aujourd'hui : instaurer la peur en votant et appliquant des lois contraires
aux droits et libertés, cibler quelques figures pour en faire un exemple, Lynne Stewart, Julian Assange, entre autres. Tout cela au nom de la sécurité des citoyens. Le Québec ne fait pas
exception comme en attestent la Loi 78 et les différentes mesures adoptées par le gouvernement Charest.
Claude Jacqueline Herdhuin
Auteure, réalisatrice, doctorante en Études et pratique des arts
Source : http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=31726
Quand on pense que le 4 juin 2009, dans un discours au Caire, Barack Obama déclarait :
"Mais j’ai la ferme conviction que tous les peuples aspirent à certaines choses : la possibilité de s’exprimer et d’avoir une voix
dans la façon dont ils sont gouvernés ; la confiance en l’État de droit et l’application équitable de la justice ; un gouvernement qui est transparent et qui ne vole pas ce qui appartient à son
peuple ; la liberté de vivre selon leur choix. Il ne s’agit pas simplement d’idéaux américains, il s’agit des droits de l’homme et c’est pourquoi nous les encouragerons dans le monde
entier."
Dis donc Barack ? Tu serais pas en train de nous prendre pour des jambons
? Parce que ta justice, elle pue la loi d'exception, le Pétinisme frémissant et le totalitarisme en manque ! Et les grands médias donneurs de leçons et assoiffés de démocratie, qui ferment
leur gueule. ça fait non seulement froid dans le dos, mais ça donne envie de gerber !
Vidéo-clip du documentaire sur Lyne Stewart et pétition :
http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=16312 (en anglais)